Jean-Claude Carrière's Eulogy for Bijan Saffari

Paris, April 29, 2019

Iranian artist, architect and art director Bijan Saffari passed away on Monday, April 22, 2019 in Paris. French novelist, screenwriter, actor, and Academy Award honoree, Jean-Claude Carrière, a close friend to Bijan Saffari, delivered an eulogy at Mr. Saffari's cremation in Paris on April 29, 2019. The eulogy is published here with permission from Mr. Carrière. Please download this document to view a Farsi translation of the eulogy (translated by Nahal Tajaddod) in addition to the original French.

 

Bijan Saffari
Paris, April 29, 2019

 

Nous voici donc réunis pour dire adieu à Bijan Saffari.
Nous l’avons tous connu, en Iran ou ici, et nous avons tous appris quelque chose de lui.
Je rappelle, en quelques mots, qu’il était architecte de formation -il avait étudié aux Beaux Arts et à l’Ecole Spéciale d’Architecture de Paris- et qu’il a gardé toute sa vie un sens infaillible du volume, de la proportion et de la mesure.
Il fut aussi peintre, armé d’une main habile et patiente, une main à qui un artiste peut tout demander, même la surprise. A ce titre, en qualité de consultant artistique de la Radio Télévision Nationale Iranienne, il commanda aux artistes iraniens des œuvres qui constituent aujourd’hui une collection des plus précieuses. En même temps, il fut à l’origine d’une série de documentaires sur certains de ces peintres.
Il fut enfin un homme de théâtre, un organisateur inspiré qui sut réunir autour de lui les meilleurs auteurs, acteurs, metteurs en scène iraniens dans un lieu qui s’appelait Kârgâhé namâyésh.
Avec les autres membres du comité de direction du Festival de Shiraz, ils y ont accueilli, dans les années soixante-dix, tout ce que l’art en Occident et en Asie comptait d’important et de singulier. C’est à ce titre, qu’il put lier une amitié profonde avec des artistes étrangers comme Bob Wilson ou Grotowsky. Sans lui, le théâtre iranien aurait perdu son âme en route.
Enseignant à l’Université des Arts, participant à de multiples aventures artistiques, il était, au sens le plus large du mot, un homme de culture.
Aucune de ses activités ne l’emprisonnait. Il m’est arrivé de parler avec lui, longuement, de la civilisation indienne, qu’il connaissait, et aussi, ce qui me surprit davantage, des premiers écrits évangéliques chrétiens.
Je me rappelle, un jour, nous parlions de la phrase de Jésus qui aurait dit: «Je suis venu apporter le feu sur la terre», et nous n’étions pas d’accord sur la référence exacte. Rentré chez moi, j’ai vérifié cette référence, et c’était lui qui avait raison.
Soucieux des autres, il avait compris que la curiosité de l’esprit est nécessaire à la générosité du cœur. Il savait que connaissance et bonté sont très étroitement liées. Il savait qu’un bon architecte ouvre, plus qu’il ne ferme.
Son heure est venue. Laissons le partir en paix, quel que soit le paradis qui l’attend. Mais emportons avec nous, en nous retirant, une pincée symbolique de cette cendre, qui ne s’est pas consumée pour rien. Et tâchons, surtout, d’y rester fidèles.

 

Jean-Claude Carrière

May 1, 2019
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